25 septembre 2020 5 25 /09 /septembre /2020 10:22

Il est toujours aisé, lorsqu'on n'est pas en situation de gestion, de porter des jugements définitifs sur les actes et paroles de ceux qui le sont, surtout lorsque, de part et d'autre, aucun argument factuel tangible ne les corrobore. J'en ai trop souffert pour ne pas m'y risquer aujourd'hui.

Ainsi, la question de l'image qu'on cherche à accoler à tel ou tel groupe social est prégnante dans la stratégie politique de notre temps. Ça a été le cas lors d'une récente réunion de notre conseil municipal au sujet d'une catégorie de notre population que certains globalisent sous le vocable de « jeunes musulmans », notamment ceux qui résident dans nos quartiers vulnérables.

Mais, de plus, l'image de ces quartiers, où vivent six millions de nos concitoyens, déjà altérée par des tacticiens faisant flèche de tout bois, l'est aussi par nombre de médias qui ont une fâcheuse tendance à n'évoquer ces territoires de la Nation que lorsque s'y déroulent des événements dramatiques.

Permettre d'objectiver leur réalité a été le chantier auquel se sont attelés ensemble des élus locaux et des journalistes de toute la France. Le projet est sur le point d'aboutir. Nos habitants et nos acteurs locaux, vivant ou s'investissant dans nos quartiers prioritaires, devraient s'en emparer. Nos élus devraient le promouvoir.

 

Préoccupés depuis longtemps par l'image dénaturée et dégradante de ces « morceaux de France » qui nuit à l'accomplissement de la promesse républicaine d'Égalité entre tous nos habitants, avec des maires de toutes sensibilités politiques (sauf bien sûr ceux qui érigent la ségrégation discriminante en finalité sociétale...), nous avons eu de nombreux échanges sur la question, notamment chaque fois que des dégradations ou violences urbaines survenaient ici où là en France, enflammant indifféremment l'une ou l'autre de nos communes, faisant parfois tâche d'huile ailleurs, donnant du grain à moudre aux rédactions avides de sensationnel, et, au bout du compte, entrainant une stigmatisation infamante de nos villes et de leurs habitants dont la quasi-totalité est pourtant étrangère aux causes de ces drames qu'elle subit et vit sur fond d'impuissance dans la souffrance, la terreur et la honte.

 

ÉLARGIR LA FOCALE DU REGARD POSÉ SUR LES QUARTIERS POPULAIRES

Tant et si bien que, en plus des nombreux sujets dont l'Association des Maires Ville & Banlieue de France (AMVBF) s'empare en permanence pour obtenir de la Nation qu'elle aide les élus locaux à faire vivre les valeurs républicaines sur leurs territoires, nous avons aussi décidé de passer à l'action en direction des médias qui, faisant certes leur travail, aggravent souvent en la ternissant l'image de nos populations et leurs lieux de vie ou de travail, au-delà même des quartiers fragiles eux-mêmes.

Nous avons ainsi chargé l'un des vice-présidents de l'Association des Maires Ville & Banlieue de France (AMVBF), mon copain Driss Ettazaoui, vice-président MoDem de l'agglomération Évreux–Porte de Normandie, de remuer les méninges du monde de la presse sur les dangereuses conséquences de l'exercice de leurs missions d'information. Nous avons organisé un colloque sur le sujet en mars 2019 à Évreux, où nous avons brassé de l'idée entre élus, pouvoirs publics et monde des médias.

Une idée simple : bien sûr, il faut montrer la réalité des événements, mais il faut aussi donner à découvrir ce qu'il y a de bien dans nos quartiers paupérisés. On ne parlait par exemple jamais du centre culturel de haut de gamme et d'intérêt national destiné aux arts de la scène de Chanteloup-les-Vignes, en banlieue parisienne, mais les images de son incendie criminel ont tourné en boucle sur les écrans. Comme on ne communiquait que peu sur l'école nationale de cuisine du grand chef Thierry Marx implantée au cœur d'une cité de Grigny (Essonne), de la biennale de la danse de Vaulx-en-Velin (Lyon-Métropole), ou de la labellisation nationale de la médiathèque Andrée-Chedid de La Seyne, mais les noms de ces communes étaient – et demeurent – indissociables, dans la représentation collective, de meurtres sur fond de trafics, de rodéos urbains, de violences, de dégradations, voire de fantasmes d'infiltration islamique radicale et terroriste généralisée à toute une population (même si, hélas, il serait insensé d'en nier le danger) ...

 

DU DÉLIT DE « DIFFAMATION TERRITORIALE » À UN APPUI AUX JOURNALISTES

Des pistes intéressantes ont surgi de ce colloque, dont certaines ambitieuses, à l'instar de la demande de création d'un délit de « diffamation territoriale » permettant de saisir le médiateur des droits. Mais des solutions pragmatiques, en forme de « boîte à outils » au service des journalistes, ont aussi été imaginées.

Et c'est ainsi qu'une équipe composée de journalistes de BFMTV et RMC (eh oui...), immédiatement passionnés, comme leur rédaction, par le sujet, et d'élus et collaborateurs de Ville & Banlieue, s'est attelée à la conception d'un annuaire numérisé permettant aux acteurs des médias d'identifier et contacter des personnes ressources, sur chacun des 1500 « quartiers prioritaires politique de la ville », habitants ou agissant sur place, volontaires pour être interviewés, pour les mettre en relation avec d'autres personnes ressources, disposés à les aider à se faire une idée objective des situations, des causes, des enjeux, des solutions éventuelles, et situer les événements particuliers dans un cadre global, urbain, économique, social et culturel.

L'instrument est prêt. Il s'appelle « Vu des quartiers ». Sa création a obtenu le soutien de l'État. Nous le présentons sur le site Internet qui lui est dédié. Il reste à l'alimenter de suffisamment de contacts pour pouvoir activer son ouverture. J'invite donc tous les Seynois, du quartier Berthe, du centre-ville, ou d'ailleurs, qu'ils soient habitants, ou qu'ils connaissent bien notre environnement urbain pour y agir dans le monde associatif, électif ou professionnel, et qui pensent pouvoir apporter leur contribution à une lecture réelle et objective de nos sites fragiles par les rédactions régionales et nationales, à s'y inscrire pour être sollicités lorsque les médias auront à couvrir tel ou tel événement de notre territoire. Je précise que le respect des lois et règles de déontologie, de confidentialité et de protection des données personnelles est garanti. Seuls les journalistes professionnels accrédités y auront accès. Sans cela, l'État n'aurait évidemment pas validé et soutenu le projet.

 

On peut toujours râler et s'insurger lorsqu'est dénaturée la réalité de notre vie urbaine compliquée. On peut aussi être acteur de l'émergence de la matérialité et la vérité des faits, des choses et des gens. C'est un acte politique différent, pas « politicien » mais utile. C'est une réponse concrète à ceux qui se font un devoir de stigmatiser pour mieux diviser. Et je ne doute pas que nos édiles seynois, comme le font leurs homologues de communes si semblables à la nôtre, qu'ils soient de droite, du centre ou de gauche, auront à cœur de promouvoir ce projet « Vu des quartiers » déjà unanimement salué...

 

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