60 policiers supplémentaires pour Nice. Il aura encore fallu que de nouveaux crimes surviennent pour que l'État se dote des moyens de mieux assumer sa responsabilité régalienne de sécurité publique.
Nous en savons quelque chose, nous, les Hyérois, Ollioulais, Seynois et Toulonnais, qui avons dû, depuis quatre ans, plaider la cause du renforcement de nos forces de l'ordre après chaque événement dramatique qui a endeuillé nos communes sur fond de trafic de drogue.
On a bien sûr apprécié les décisions prises en réponse à nos demandes, même s'il a souvent fallu les arracher de haute lutte. Mais c'est un puits sans fond. Plus et mieux de police et de justice ne peut être la seule réponse si l'on n'agit pas sur la terrible fracture sociale et sociétale qui est cause principale de cette abominable violence.
On peut résumer les annonces du gouvernement, ce samedi à Nice, à des affectations de fonctionnaires de police, à des ressources humaines pour plus de justice de proximité, et la création d'une amende visant à tarir la demande de cannabis afin d'assécher l'offre. C'est bien, c'est nécessaire. Et, d'ailleurs, sur le dernier point, nous le fîmes nous-mêmes en coopération entre les polices nationale et municipale en organisant des opérations « coup de poing » ciblant les consommateurs.
LA PAUVRETÉ CROISSANTE, VOILÀ L'ENNEMI
Mais la crise économique, accélérée et renforcée par la crise sanitaire, parfois abusivement utilisée par des patrons indélicats profitant des mesures exceptionnelles pour se séparer d'employés, et rendue possible par les politiques capitalistes dérégulées, est tout de même la cause de la pauvreté croissante qui frappe de plus en plus de familles.
Sans formation, sans appui à l'insertion professionnelle, sans contrainte de maintien et de création d'emploi en contrepartie d'aides publiques aux entreprises, sans contrat de travail évitant la précarité, sans salaire décent, sans droit garanti au logement, aux mobilités, à la santé, sans espoir d'avenir, il faut le dire, nombre de foyers « s'ensauvagent » (dixit le ministre de l'Intérieur Darmanin) pour survivre en permettant à certains de leurs membres, souvent parmi les plus jeunes, de sombrer dans la délinquance de l'économie qu'on feint de croire souterraine des trafics des stupéfiants et des armes, avec leurs terrifiantes manifestations de violence.
On aurait pu croire que les annonces du Premier ministre et de la ministre du Travail en faveur de l'emploi des jeunes allaient esquisser quelques réponses aux drames de l'exclusion du monde du travail pour les milliers de jeunes adultes qui en sont les plus éloignés, par leur déficit de qualification, de savoir faire, de savoir-être, et par la discrimination stigmatisante des origines de leurs familles ou de leurs lieux de résidence.
DES MESURES UTILES POUR CERTAINS, MAIS INADAPTÉES POUR L'INSERTION VERS L'EMPLOI POUR TOUS
Hélas, si le gouvernement a au moins le mérite de proposer quelques mesures, il s'obstine à ne pas tendre l'oreille aux suppliques de territoires urbains vulnérables qui réclament à cor et à cri le retour à une stratégie d'ampleur permettant à ces exclus de mettre – ou remettre – le pied à l'étrier du travail. Le gouvernement joue sur les mots. Les « emplois aidés » qu'il annonce n'en sont pas, ou si peu. Les « parcours emploi compétence », les « contrats initiative emploi », les « parcours contractualisés vers l'autonomie », s'ils augmentent en nombre, ne sont pas les bons instruments pour une part de la jeunesse la plus en détresse de nos quartiers populaires. Ils ne sont mobilisables que par le secteur marchand qui, malgré sa bonne volonté, hésite – on le voit avec l'échec des « emplois francs » –, et d'autant plus en période de crise, à signer des conventions d'accueil. En outre, ces dispositifs n'imposent pas un accompagnement formatif, pourtant nécessaire à une intégration durable dans l'emploi.
De toutes sensibilités politiques, de nombreux maires réclament la création d'au moins 200.000 véritables emplois aidés, sous une forme pouvant ressembler aux anciens « contrats d'accompagnement dans l'emploi » ou « contrats emploi jeunes ». Ceux-là imposaient une formation et leurs conventions pouvaient être signées par des collectivités locales et des associations. Il appartient à Nadia Hai, la nouvelle ministre de la Ville, et aux parlementaires et aux élus locaux, notamment ceux des territoires abritant des quartiers populaires, de relayer auprès du Premier ministre cette absolue exigence.
TARIR LA DEMANDE DE DROGUE, OUI, MAIS COMMENT ?
À défaut, il faudra sans cesse lutter contre la criminalité barbare qui gangrène les sites les plus fragiles de la République où vivent près de six millions de nos concitoyens, à renfort sans cesse accru de moyens de police et de justice qui s'avèreront toujours insuffisants et onéreux, justifiant sûrement que l'État soit enclin, pour se décharger une fois de plus sur les collectivités locales au prétexte de « proximité », à donner suite à la demande d'une vingtaine de maires conservateurs de voir élargis les pouvoirs de leurs polices municipales, au risque de générer une grave inégalité entre territoires.
Et rien n'interdit à la France de jeter un coup d'œil sur les pays qui, comme le Portugal ou le Canada, ont choisi de légaliser, dans le cadre de monopoles d'État régulés, l'usage du cannabis récréatif. Et, éventuellement, d'ouvrir une piste peut-être plus complexe mais moins simpliste et coûteuse en moyens humains que la « forfaitisation » des amendes d'usage de stupéfiants...