Ça se sait, je ne suis pas tendre avec le gouvernement que je soutiens lorsqu'il ne me semble pas aller dans le sens des intérêts de notre peuple. Mais, là, je me dois de joindre ma voix à la sienne et de l'inviter à tenir bon : il faut que ce volet de la réforme de l'École soit mené à bien. Et je l'encourage, sa ministre de l'Éducation nationale en tête, à, bien sûr, écouter les inquiétudes de mes collègues enseignants, mais aussi à se donner les moyens de la mise en œuvre de cette nouvelle organisation des enseignements des collégiens.
Je suis suffisamment bien placé, pour avoir traîné mes guêtres trente ans dans un de nos collèges, même si ça fait quelques années que je n'y ai pas "pointé", pour dire combien, derrière le bel intitulé de "collège unique", la droite a créé depuis 40 ans les conditions de la ségrégation sociale par l'éducation.
VIVE L'ENSEIGNEMENT BILANGUE POUR TOUS !
Il faut être faux-cul pour proférer l'idée que les classes bilangues ne sont pas un moyen détourné de creuser le fossé entre les jeunes qui y sont inscrits et la grande majorité de ceux issus de familles qui n'ont pas perçu la feinte permettant de regrouper entre eux des collégiens "bons élèves" qui, donc, ne peuvent plus "tirer vers le haut" tous les autres. Pourquoi, alors qu'on serre la vis des emplois de fonctionnaires (ce qui n'est pas bien !), le ministère créerait-il des postes nouveaux de profs d'allemand (et autres langues moins courantes que l'anglais) si ce n'était pour permettre à plus d'enfants, de façon plus et mieux égalitaire et républicaine, de maîtriser la langue et la civilisation de nos pays voisins ? En outre, tous les enfants qui auront commencé une initiation à l'allemand, à l'italien ou à l'espagnol en primaire pourront, à bon droit, poursuivre cette formation en sixième : c'est dit dans le projet ! Et plus seulement les privilégiés malignement inscrits en "classes bilangues". Gardons donc notre énergie pour nous assurer, voire imposer, que ce soit bien le cas dans les faits. Et aucun de nos "minots" ne sera plus... privilégié. Donc tous le seront.
VIVENT LES HUMANITÉS POUR TOUS !
Il faut être hypocrite pour s'offusquer soudainement du devenir du latin et du grec, alors que - posez comme je l'ai fait la question à des enseignants de lettres classiques - ça fait déjà des années que leur enseignement comprend, outre les acquis linguistiques, une éducation aux faits historiques, sociaux, culturels, de ces civilisations d'antan. Le nouveau dispositif vise à ce que de plus en plus de collégiens en profitent dans les temps de coopération interdisciplinaire que nous, enseignants, notamment de nos quartiers populaires, avons toujours appelés de nos vœux pour motiver nos jeunes. C'est mal, ça ? Ce n'est pas républicain, ça ? Veillons seulement au contraire à ce qu'aucun collège, surtout de nos quartiers prioritaires, n'échappe à cette offre ! Gardons nos forces pour nous "rebeller" si ce ne devait pas être le cas.
MADAME LA MINISTRE, TENEZ BON !
Car il faut être être rebelle. Encore et toujours. Mais à bon escient. Gardons-nous de nous laisser entraîner sur des voies qu'ouvrent, une fois de plus, ceux qui s'insurgent contre les mariages pour tous (contre l'amour ?), contre les votes des immigrés vivant depuis longtemps dans notre République aux élections locales (contre l'Égalité et la Fraternité inscrites aux frontons de nos édifices publics ?), contre toutes les avancées sociétales. Ceux qui, instrumentalisés ou non, font le jeu des pires ennemis de la République.
On l'aura compris, fussé-je à contre-courant, la raison me guide à dire que Nadjat Vallaud-Belkacem a raison d'être courageuse. Et de tenir bon.