Je livre à mes visiteurs le (long, voire trop long, m'a-t-on dit) commentaire que j'ai rédigé après la première réunion de "table ronde" consacrée ce mercredi au devenir de la maternité de La Seyne et de l'Ouest Var...
Une première table ronde relative au devenir de la maternité de l'hôpital de l'Ouest Var implantée à La Seyne s'est tenue durant près de trois heures mercredi soir sous la présidence de l'Agence Régionale de la Santé (ARS). C'est la première phase d'une démarche que j'ai voulue et obtenue, dont j'espère qu'il s'agira - et on ne pourra que s'en féliciter - d'une voie réelle vers une possible remise en question de la décision de fermeture, et non d'un nouveau moyen de remarteler les arguments à sens unique de l'ARS.
Avec la presque totalité de mes collègues maires des communes de l'Ouest toulonnais ainsi que Robert Alfonsi, représentant du conseil régional de Provence Alpes Côte d'Azur, et d'autres personnalités qualifiées, nous avons pu plaider en faveur du maintien de cet équipement public de proximité.
PARLONS "TERRITOIRES"...
La maternité de l'hôpital George-Sand n'est pas seulement celle de La Seyne. C'est celle d'un territoire d'environ 200.000 habitants. Un territoire plus peuplé que près d'un sur cinq des départements français ! Qui imaginerait que l'on supprime l'unique maternité dans un département sur cinq ?
Et la population ne cesse de croître à l'Ouest de Toulon. De source officielle (INSEE), la population à augmenté de 60% en 40 ans, et l'estimation est de 20% d'habitants en plus d'ici 15 ans ! Drôle de façon d'anticiper l'avenir proche...
De plus, notre territoire, contrairement aux idées reçues par l'image que l'on se construit au travers d’une vision idéalisée de la côte méditerranéenne ensoleillée, est bien plus pauvre que la moyenne nationale. Le revenu des ménages est 1/3 moindre que le revenu moyen national, 63% des bénéficiaires varois du RSA-RMI y résident, le taux de chômage est au-dessus du taux national. Et notre coin de Var compte les deux plus importants quartiers d'habitat social du département, au sein desquels se cumulent les difficultés sociales, économiques et culturelles : Berthe et La Beaucaire.
Berthe, notamment, véritable petite ville moyenne, avec une population de 15000 habitants, plus peuplée qu'Ollioules ou Sanary, fait l'objet du plus important programme de rénovation urbaine de France, par les moyens engagés rapportés au nombre de ses habitants : 265 millions d'euros. Qui pourrait penser que les institutions publiques investissent de tels moyens de rénovation et de redynamisation si la situation n'était critique et urgente ?
Or tout le monde s'accorde à indiquer que, pour rénover les quartiers populaires et redonner leur dignité à leurs résidents, il faut bien sûr agir sur la qualité du logement et des espaces urbains, mettre en œuvre des incitations à la mixité sociale autant que des mesures d'accompagnement social et d'aide à l'insertion professionnelle, mais aussi - et c'est une constante dans tous les quartiers d'Europe qui bénéficient d'opérations "Politique de la Ville" - en agissant pour la "mixité de fonctions", donc en développant les commerces et... les services publics ! C'est d'ailleurs pour ça que l'hôpital George-Sand a été construit il y a moins de 20 ans à la croisée du quartier Berthe et du centre historique populaire.
Et on voudrait maintenant que le plus symbolique dans les représentations collectives, le plus affectivement lourd de sens parmi les services publics hospitaliers (avec les urgences) soit rayé d'un trait de plume ?
PARLONS RÉALITÉS GÉOGRAPHIQUES...
Ne pas considérer la réalité d'un territoire est déjà en soi une grave aberration. La réalité socio-économique de l’Ouest toulonnais plaide à elle seule pour le rejet pur et simple de l'idée farfelue de fermeture de la maternité. Ajoutons à notre réflexion la réalité géographique qui atteste que seuls deux itinéraires, coincés entre mer et montagne, alimentés à leurs deux extrémités par deux autoroutes, permettent de traverser la ville d'Ouest en Est pour rejoindre la future maternité de Sainte-Musse, ce qui, aujourd'hui, conduit à une durée de trajet variant de 50 mn à 1h30 selon la commune d'où l'on vient. Non seulement stupide, mais, de plus, dangereux, pour la vie des mères, ou des enfants, ou des deux... ainsi que l'a confirmé un représentant du personnel des sapeurs-pompiers varois, rappelant aussi que, en période estivale, la population triple... et donc les difficultés de circulation !
Mais, de plus, ne pas considérer la réalité temporelle du territoire constituerait soit une manifestation d'incompétence grave, soit le témoignage d'une volonté délibérée de rompre le pacte social républicain.
ET PARLONS "RÉALITÉ TEMPORELLE" DU TERRITOIRE...
Car la réalité temporelle, c'est que, jusque vers 2017, terme prévu des travaux du Transport en Commun en Site Propre (TCSP) de l'agglomération, et en tous cas, ainsi que l'ont confirmé le sénateur-maire de Toulon, Hubert Falco, et le député-maire de Six-Fours, Jean-Sébastien Vialatte, au moins jusqu'à la mi-2014, moment prévu de la mise en service du tube Ouest-Est du tunnel routier, sous réserve que l'élargissement de l'autoroute A57 à sa sortie aura été réalisé, il n'y a aucune amélioration à espérer, justifiant selon eux la prise en compte de cette donnée objective dans le calendrier de la décision de maintien ou de fermeture.
LA RAISON ET LE COURAGE
Je salue le courage et la raison de ces deux maires parlementaires qui se sont rangés aux arguments de leurs collègues inquiets, malgré le soutien solidaire normal qu'ils apportent au gouvernement qui a voulu la loi Hôpital Patients Santé Territoire (HPST), dite "loi Bachelot", qui est la cause du démantèlement organisé de l'hôpital public, et donc de notre maternité.
Ce n'est, semble-t-il, pas le cas de l'ARS qui, malgré les avis des élus conscients de l'importance d'un aménagement raisonné du territoire, semblait indiquer au terme de la réunion qu'on ne pourrait attendre trop longtemps. Inepte !
Je salue également les médecins, sages-femmes, et personnels de santé et de secours, ainsi que le syndicat CGT et le collectif varois de défense de l'accès aux soins, qui ont apporté sur la table de la réflexion les arguments juridiques, médicaux et médico-sociaux. Je note également que le syndicat FO, majoritaire au centre hospitalier, a reconnu le bien-fondé de la vision d'aménagement du territoire que je défends.
DU GRAND N'IMPORTE QUOI...
Je ne peux enfin comprendre l'argumentaire de la kyrielle de praticiens hospitaliers présents qui, lorsqu'ils n'assènent pas des contre-vérités (parlant d'une... "petite maternité", alors qu'il s'agit de la plus importante du Var, avec 1500 naissances annuelles... et que, réglementairement, on n'envisage de fermeture qu'en dessous de 300 naissances...), semblent ne penser qu'à un hypothétique confort, allant même jusqu'à indiquer que l'exercice de l'obstétrique à George-Sand aurait un caractère dangereux !
Moi, avec la position avancée du service d'Etat Civil municipal que j'ai fait installer aux frais de la commune au cœur même de l'hôpital pour permettre aux mamans et aux papas de participer ensemble à l'acte symboliquement et affectivement important de la déclaration officielle de naissance, je n'enregistre que des naissances. Jamais de décès, heureusement !
Et, si c'était si dangereux de naître et d'accoucher à La Seyne depuis l'ouverture de cet hôpital à peine âgé de 17 ans, il n'y avait qu'à prendre bien avant la seule mesure de sagesse qui s'imposait au nom du principe de précaution : la fermer... si on n'avait pas les moyens de la mettre aux normes de sécurité ! Mais que faisait l'ancienne ARH (Agence Régionale de l'Hospitalisation) ? Et l'ARS d'aujourd'hui ? Ne pouvait-on consacrer le coût d'une journée de nos soldats empêtrés pour rien en Afghanistan (1,3 millions d'euros par jour, d'après la loi de finances...) pour garantir un service sécure ? Et pourquoi, alors, ne fermerait-on pas aussi la maternité d'Hyères ? Et toutes les maternités de niveau 1 (les plus simples, comme la nôtre) de la plupart des départements francais ? Allons, il faut être sérieux.
ALLONS, SOYONS SÉRIEUX...
Être sérieux, c'est intégrer que, comme on me l'a indiqué au secrétariat d'Etat à la santé, il n'y aura pas de maternité de niveau 3 à Toulon (celles qui ont le plateau technique le plus performant pour traiter les très rares accouchements très compliqués), parce qu'il y en a déjà deux en région PACA, que la quasi totalité des naissances à risque sont diagnostiquées à l'avance permettant de prendre les mesures utiles, et que, contrairement aux affirmations entendues, les maternités de niveau 3 sont installées dans des Centres Hospitaliers Universitaires (CHU). Ou alors, chiche, fermons la maternité George-Sand dès lors que l'hôpital de Toulon-La Seyne sera un CHU ! Croyez-moi, ça nous laisse de la marge...
Être sérieux, c'est écouter la parole du bon sens, celle des maires qui se sont exprimés et qui portent les aspirations de leurs populations. Et prendre le temps de retravailler la question à la lumière de leurs avis.
Être sérieux, c'est ne pas s'en tenir à la conclusion du Directeur de l'ARS qui, ne voulant pas opposer deux communes d'un même territoire - dans le sens de l'intervention du maire de Toulon et président de l'agglomération -, a tout de même planté un décor en deux camps : celui de la vision de "l'immédiateté" qu'il attribuait implictement aux interventions des édiles, soucieux de leurs populations et de leur territoire, et celui de "la vision d'avenir" qui semble ne tenir compte que de l'outil performant techniquement et technologiquement.
J'aimerais que mon sentiment ne soit qu'une impression fausse mais je suis inquiet du manque de discernement sur l'histoire du territoire, ses réalités géographiques et sociologiques. Quant au perfectionnement de l'outil, j'y suis bien sûr favorable, comme tous, mais lorsque nous entendons des arguments très douteux comme celui expliquant qu'on ne ferme pas la maternité, mais qu'on la... transfère, je doute de la prise en compte de toutes les réalités dans ce projet de ce qui pourrait se traduire par un déménagement brutal...
Car l'ARS indique vouloir aller vite. Même si elle n'indique pas - heureusement ! - vers quelle décision elle veut aller.
SOYONS PRÊTS À NOUS MOBILISER !
De mon côté, et justement parce qu'on semble vouloir agir dans l'urgence, je m'engage à poursuivre ma plaidoirie avec déterminatIon. Je sais que tous ceux qui partageaient hier soir mon point de vue, c'est-à-dire tout le monde à des degrés divers, à l'exception des praticiens hospitaliers présents, et qu'elles que soient leurs sensibilités politiques et leurs statuts d'élus, de professionnels ou de représentants de groupes d'intérêts, ne veulent rien lâcher non plus.
Mais il faudra sûrement en appeler à nouveau à nos populations. Je les invite à se tenir prêtes à répondre à un appel à une mobilisation, par exemple à l'occasion de l'inauguration du nouvel hôpital Sainte-Musse, remarquable outil pour les Toulonnais et les habitants de l'Est de l'agglomération (d'ailleurs personne n'oppose l'Est à l'Ouest, ainsi que l'a rappelé le ministre Falco). Celle-ci, prévue le 3 novembre, est reportée au 28, en présence du Premier Ministre et du Ministre de la Santé.
Et je convie mes concitoyens à une rencontre de compte-rendu et de perspectives, mercredi prochain, 2 novembre, à 18 heures, à la salle du conseil municipal.