Il y a dix jours, nous étions comme chaque année rassemblés autour de la stèle dédiée, sur le parc Fernand-Braudel des Sablettes, à la mémoire de l'appel à la résistance à l'occupant nazi lancé en 1940 par le général De Gaulle. Comme chaque année, j'ai prononcé un propos qui, évidemment, reprend des éléments intangibles de l'Histoire et peut sembler répétitif d'une année sur l'autre, mais qui me donne l'occasion d'évoquer des réflexions que j'espère donner à méditer à la lumière de l'actualité...
« Le 18 juin 1940, un général deux étoiles proclame à la radio depuis Londres que "la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas".
Puis, sur la célèbre affiche placardée à Londres fin juillet, il mettra en exergue une phrase inspirée d'un message de Duff Cooper, le ministre de l'information britannique : "Even if the Allies lost this battle, we should not have lost the war", qu'il a adaptée en : "La France a perdu une bataille, mais la France n'a pas perdu la guerre".
« Le 16 juin, en effet, en apprenant la démission du Président du Conseil, De Gaulle avait décidé de partir pour l’Angleterre afin de poursuivre le combat. Le lendemain, Pétain avait demandé l’armistice.
UN MESSAGE D'ESPOIR
« L'appel du 18 juin était un message d'espoir. Il affirmait que la mondialisation de la guerre ferait la victoire. Il l'assénait même, répétant à trois reprises à la BBC : "La France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule !".
« Un même appel à la solidarité active des États libres et démocratiques du Monde doit résonner aujourd'hui face aux attaques atroces que d'autres, en bien des endroits du globe, lancent contre les valeurs universelles de liberté, d'égalité, de fraternité.
« Mais, aujourd’hui, hélas, et depuis des années, insidieuse, une autre mondialisation est en marche...
« L'humanité est confrontée à une crise économique et sociale d'une ampleur sans précédent qui accélère partout un appauvrissement de tant de populations.
« La richesse est pourtant bien plus grande aujourd’hui qu'hier. Ce décalage efface la perception des progrès et nourrit les désillusions. Il entraîne le rejet des élites et des animateurs de la démocratie. Il engendre la ségrégation sociale, il encourage le rejet des autres jugés causes de tous les maux, il alimente le racisme, il attaque les droits des femmes, il stigmatise les minorités, il précipite dans un nationalisme étroit.
« Or nous vivons dans un monde d’interconnexions et d’interdépendances : quoi qui se passe quelque part affecte la vie et interfère sur l’avenir des gens partout ailleurs.
« Aucun territoire souverain, si vaste, si peuplé, si riche soit-il, ne peut protéger à lui seul ses conditions de vie, sa sécurité, sa prospérité à long terme, son modèle social, voire l’existence de ses habitants. Mais, à l’inverse, heureusement, aucun Etat, si fort soit-il, ne peut enrayer la volonté des peuples, la volonté d’une jeunesse indignée par les injustices.
« Nous vivons dans une économie financiarisée, dure, caricaturale, dont le seul horizon est le profit, rapide, cupide, cruel pour l'immense masse qui en est victime.
« Notre environnement est menacé, beaucoup sonnent l’alerte : le point de non retour se rapproche.
UNE AUTRE MONDIALISATION
« On est loin des vieilles notions d’équilibre, de raison, de morale, d’éthique, qui devaient accompagner le capitalisme des origines. On vise désormais le profit, non pas pour tous, issu de la valeur travail partagé, de l’employé au chef d’entreprise, mais celui de l’actionnaire invisible constitué sans foi ni loi sur le dos du soutier.
« La main qui devait réguler les marchés est ligotée, écrasée, tranchée.
« Le chômage est subi, la dignité des hommes et des femmes sans travail se putréfie. Chez nous, ces derniers mois, c'est dans ces difficultés que les résistances à la loi travail trouvent leur origine.
« Et nos jeunes reçoivent ces messages de plein fouet et désespèrent de se chercher un avenir. Beaucoup trop ne croient plus en notre modèle de démocratie, jugent vain d'exercer quelque devoir citoyen, ou, pire, écoutent le chant des sirènes des fondamentalismes qui les entraînent vers les horreurs que l'on sait.
« Alors, aujourd’hui, "l’Appel » prend tout son sens.
UN APPEL D'AUJOURD'HUI
« Changer le Monde pour plus d’équité, de partage et de solidarité est un horizon légitime. L’espoir que portait De Gaulle était de recouvrer la liberté, aujourd’hui il est de vivre ses aspirations selon ses mérites, sans semelles plombées et sans cuillère d’argent…
« Résistons aux déséquilibres présentés comme évidents ou inéluctables, car il est possible de faire autrement, par la paix, le partage, l’éducation.
« Travaillons à une gouvernance mondiale passant par la préservation de l’environnement et un humanisme retrouvé.
« Il y a 76 ans, un homme seul s’est levé. Et, cinq ans après, la France s’est assise à la table des vainqueurs.
« A partir de 1943, lorsqu’ils imaginaient l’avenir, De Gaulle et le Conseil National de la Résistance ne se laissaient pas enfermer dans la réalité pourtant accablante de l’occupation. Nous connaissons la suite. Croyons comme eux que la bataille du partage, de la justice, du respect des libertés individuelles, n’est pas perdue ; que l’espoir et la volonté ne sont pas vains.
« L’histoire, ce sont les hommes et les femmes qui la font. Rien ne se transforme ni ne s’adapte sans l’impact des volontés et des passions humaines.
« Alors, visons demain, mieux et autrement, dans le Monde de la paix, l'Europe de la solidarité, et la France de la République ! »