Le premier ministre le ressasse : le « plan de relance » doit s'ancrer sur les territoires. Il y aurait alors un exercice pratique à engager autour du Groupe CNIM à La Seyne, avec pour enjeu le sauvetage d'une activité industrielle de premier plan mondial, fondée sur un savoir-faire historique et une stratégie d'innovation constante. Des centaines d'emplois locaux sont en jeu, voire des milliers par effet domino sur le territoire métropolitain.
Mais le gouvernement semble tenir deux discours contradictoires. Entre un prêt d'État susceptible d'être accordé à l'entreprise en difficulté et le soutien gouvernemental à une offre de reprise d'une société présentée comme « franco-française », les propos se contredisent.
Il y aurait cependant une troisième voie, mais dont l'État ne veut manifestement pas entendre parler : celle, pourtant justifiée en période de crise économique, de la mobilisation d'une infime part des 100 milliards du « plan de relance » pour une entrée au capital, fût-ce façon provisoire, de celles des sociétés de secteurs vitaux comme ceux de la défense, l'énergie, la santé ou l'environnement, qui rencontrent des difficultés conjoncturelles...
C'est aux territoires de peser sur le gouvernement, d'autant plus que celui-ci les invite à le faire. Il est rassurant de relever que la municipalité de La Seyne a changé de discours, rejoignant la métropole qui avait répondu à ma demande de s'impliquer à mes côtés au printemps dernier, dès que l'alerte a été donnée. L'opposition municipale d'alors, désormais aux affaires, se gaussait de nos initiatives, sur l'air du dédain : « Ce genre d'intervention politicienne ne peut que fragiliser l'image de cette société fleuron », indiquait à l'époque l'actuel premier adjoint, d'ailleurs en écho à une remarque de l'extrême-droite locale qui maniait l'ironie en me qualifiant malicieusement de « grand spécialiste de l'économie »...
Il est donc rassurant que les points de vue aient évolué sur la nécessité d'une intervention publique forte. Mais celle-ci doit être déterminée et les objectifs d'une implication claire de l'État posés explicitement. C'est ce que je réclamais alors (article de Var-matin ci-dessous), en accord avec la direction de l'entreprise et ses principaux syndicats, repris par le président de la métropole qui écrivait au Premier ministre d'alors que « la société CNIM ne doit pas être sacrifiée à des enjeux financiers spéculatifs ».
Au-delà de CNIM, cette présence de l'État au capital doit permettre de renforcer l'ancrage national des grandes entreprises, dans le cadre d'un renouveau des planifications, s'appuyant sur des lois de programmation fixant les urgences stratégiques pour les années à venir. Cela supposerait, au-delà d'une fonction de haut-commissaire au Plan, la création d'un vrai ministère de l'Industrie, indépendant de celui des Finances, faisant taire les leitmotivs défaitistes récurrents des élites technocrates et économiques selon lesquelles « il ne faut pas sauver les canards boiteux », « il ne faut pas refaire les erreurs des nationalisations de 81 » et « notre avenir est dans les services » et non dans la réindustrialisation du pays.
Ainsi, l'entrée de la Nation au capital de CNIM, au moins le temps que la situation du groupe se rétablisse, est la manière simple et sûre d'éviter le sacrifice de celui-ci aux spéculateurs. Les élus du territoire, de la commune à la région en passant par la métropole et le département, doivent peser en ce sens. Mais est-ce là la vision de l'économie des acteurs politiques de l'omniprésente droite provençale ?...